Immeubles de verre et Coronavirus
Dans son roman Przedwiosnie (L’Arrivée du printemps) publié en 1925, Stefan Zeromski évoquait des maisons de verre, objets de fantaisies, évocateurs d’un imaginaire de liberté et d’opulence. Dans la seconde moitié du XXe siècle et avec l’évolution de la technique, les
façades de verres se sont largement popularisées, et le gratte-ciel en verre, élancé et élégant, s’est érigé en modèle canonique de l’architecture moderne.
Jacek, installateur de façades en verre, est à la tête d’une équipe d’une vingtaine d’ouvriers travaillant à la construction d’un immeuble de trente étages, que l’explosion d’une pandémie mondiale n’a pas interrompue. Plâtriers et façadiers œuvrent toujours sur le chantier. « Mon fils, âgé de 19 ans, travaille avec moi. Il est responsable de la livraison des fournitures et des matériaux dont nous avons besoin. Nous nous rendons ensemble au travail en voiture. Il s’assoit sur le siège arrière, on espère mieux éviter les amendes comme ça… même si ces précautions sont un peu absurdes, puisque nous vivons sous le même toit. Avant que nous n’entrions sur le site, une infirmière mesure notre température. Une fois, un des ouvriers avait un peu de fièvre. Il a immédiatement été emmené à l’hôpital. Mais il a été testé négatif au Covid, et a rapidement repris le travail.
Sur le site, on suit un protocole sanitaire précis. On se tient à un mètre de distance les uns des autres. Si une tâche exige de se tenir proches, on enfile un masque. Chacun dispose de deux masques par jour : un pour le matin, un pour l’après-midi. Pas plus de quatre personnes à la fois dans l’ascenseur, d’environ 12 mètres carrés. Des marquages au sol délimitent des zones de travail et indiquent les points d’eau. Les repas sont pris à la cantine du chantier, avec seulement deux personnes par table, assises aux coins opposés. Avec mon fils, nous respectons la règle aussi. Ça nous fait bizarre et ça ne change pas grand-chose, puisque nous vivons ensemble, mais le règlement est le même tout le monde. Ça fait cinq semaines que nous travaillons comme ceci. Les politiciens, les spécialistes et les scientifiques répètent qu’il faudra apprendre à vivre avec le virus, et que l’adaptation prendra de longs mois. Sur les chantiers, on a déjà appris depuis longtemps.
Bien sûr, certains jours, j’en ai marre. J’aime mon métier. Voir immeuble en verre se construire jours après jours me procure beaucoup de satisfaction. Mais dans les conditions où nous travaillons, impossible d’arrêter de penser au virus, ne serait-ce qu’une seconde. »